Une nouvelle génération de marques joallières la joue provoc', prenant les codes à rebrousse-diamants. Des bijoux que les femmes sont les premières à s'offrir.

Lovée dans une robe bustier rose, le cou et les poignets prisonniers de rangs de cailloux XXL, Marilyn Monroe déclarait la passion des femmes pour la reine des pierres précieuses: «Diamonds are a girl’s best friend.» C’était dans Les hommes préfèrent les blondes et l’audience ne comptait que des mâles en queue de pie. Si l’attrait pour les beaux bijoux demeure, le côté material girl du personnage a, à l’aube de 2022, quelques carats dans l’aile. Certes, les parures de princesses et autres splendeurs serties allument toujours des étoiles dans les yeux. Mais, aujourd’hui, les working girls n’attendent personne pour se faire plaisir. C’est pour répondre à cette envie qu’une nouvelle génération de marques de bijoux propose des pièces allégées, plus accessibles, qui – surtout – retournent les codes usuels de la joaillerie de luxe, dans un esprit rock, presque punk.

Donatella Zappieri, consultante en commerce joaillier et directrice du Cycle certifiant haute joaillerie à l’école CREA Genève, confirme cette évolution: «Longtemps, cette industrie a été aux mains des grands noms qu’on connait tous. Aujourd’hui, dans ce domaine, il y a une belle énergie de la part de créatrices qui ont envie de partager leurs codes, leur style, de s’amuser avec la joaillerie comme on joue avec le prêt-à-porter.»

Créatrices émancipées

A la fin des années 1960, Jean Dinh Van s’est imposé comme précurseur de cette vague qui a pris de l’ampleur aujourd’hui. A l’époque, il a quitté la maison Cartier pour créer sa marque éponyme à travers des pièces épurées, qui continuent à capter l’air du temps. Citons ses célèbres menottes ou son pendentif en forme de lame de rasoir… Et notons au passage que Cartier est l’une des rares marques iconiques à s’amuser aussi avec des éléments du quotidien, comme dans sa collection Juste un Clou. Dans ce même esprit, les jeunes marques de joaillerie s’émancipent des fleurs et des joliesses, pour proposer des collections disruptives: Messika et sa bague Move, Maria Tash et ses Spike Earrings… Ces labels, tous surgis ces derniers 20 ans, sont souvent dus à l’inspiration de designers femmes, qui créent pour celles qui leur ressemblent… et ne courent pas forcément les galas. Certains modèles sont déjà devenus des classiques aux formes plus épurées, que les fashionistas du monde entier enfilent sans complexe et en accumulation, les mélangeant avec des pièces précieuses de marque ou des bijoux fantaisie.

Formes plus rock

Créatrice et designer de la griffe française Akillis, Caroline Gaspard est tout juste diplômée d’une école de commerce. C’est à son imagination fertile et son goût pour la mode et le luxe que la jeune femme doit sa détonnante arrivée dans ce monde pourtant très fermé: «J’étais très fâchée, à l’époque, que la joaillerie ne propose que des choses hyperclassiques, très tralala.. Je ne comprenais pas que les bijoux fantaisie puissent être si modernes et la joaillerie si gentillette.» A la tête d’une marque qui allie design audacieux et belle qualité grâce à une fabrication traditionnelle française et des sertissages de haut vol, elle ne donne vie qu’aux modèles qu’elle aimerait porter elle-même, comme par exemple cette ligne nommée Capture me – Attrape-moi – inspirée des pièges que posent les chasseurs. «Je veux que l’on puisse jouer avec ses bijoux comme avec ses vêtements, qu’un jour on puisse porter une pièce qui va avec un jean et un perfecto, puis le lendemain avec un look plus sage. Que l’on puisse aussi échanger ses bijoux avec son amoureux, » dit celle qui aime casser les codes.

Même philosophie pour Valérie Messika, qui a ouvert, l’an dernier, sa première boutique en Suisse, à Genève. Bien que fille de diamantaire, a elle aussi voulu trouver sa propre voie: «Quand j’ai fondé Messika il y a seize ans, il y avait une appréhension autour du diamant. Les femmes en portaient seulement lors d’occasions spéciales. C’est pourquoi j’ai voulu désacraliser cette pierre et la rendre plus facile à porter au quotidien. Aujourd’hui le port du diamant s’est démocratisé. Il est devenu plus audacieux, avec des assemblages surprenants.»

Bijoux tattoos, monoboucle, bagues de phalanges, formes acérées, sujets détournés… Ces pièces font évidemment le bonheur des réseaux sociaux et profitent de l’engouement d’une clientèle nouvelle, faite d’hommes qui ne craignent pas d’atteindre à leur virilité en portant des bijoux sertis et de femmes jeunes et financièrement indépendantes, sûres de leurs goûts. Un public qui colle parfaitement à ces nouvelles griffes à l’ADN affirmé, comme le confirme Donatella Zappieri: «Les hommes qui offrent un bijou ont tendance à miser sur une valeur sûre. Les femmes, elles, vont choisir une pièce qui reflète vraiment leur personnalité, leurs envies.» Et dans ce domaine, elles n’ont visiblement que l’embarras du choix!