La ville éternelle rénove à tout va ses mille et un trésors, grâce au soutien de grands noms du luxe italien. Ainsi Bulgari permet à l'Area Sacra, site majeur de la Rome antique, d'être à nouveau accessible au public.
Rendre à César ce qui appartient à César. Jamais l’expression n’aura été aussi à propos. En effet, d’ici au printemps prochain, le lieu historique où l’empereur romain a été assassiné, en l’an 44 av. J.-C., s’ouvrira au public. Et contribuer à recadrer le contexte historique. «Jules César est mort à la curie de Pompée et non au Forum, comme la plupart des gens le pensent à tort. La faute à Shakespeare qui, dans sa tragédie Jules César, a pris quelques libertés avec l’Histoire. Et depuis, il est difficile de rétablir la vérité…», explique Monica Ceci, conservatrice du patrimoine culturel de la Surintendance du Capitole, à Rome. Cette dernière jubile devant le chantier du site archéologique de l’«Area Sacra», dont elle coordonne les travaux de réhabilitation. Formant un large cratère, l’ensemble couvre presque entièrement le largo di Torre Argentina. Cette vaste place se situe au cœur du quartier du Champ-de-Mars, au nord-ouest du centre historique de Rome.
Restauration de l’Area Sacra
L’imposant silence de ces ruines contrastant avec l’agitation frénétique urbaine qui les ceint nous saisissent. Le soleil de l’Autunno romano effleure ces vestiges mis au jour lors de la démolition d’une église au XXe siècle. Le site comprend, outre les restes de la curie de Pompée, quatre temples datant de quatre à deux ans av. J.-C. «Il y a peu de vestiges de la période républicaine, ce sont sans doute les temples les plus anciens de Rome, c’est pourquoi ce site est de première importance», souligne encore Monica Ceci. Bien que visible depuis la place, l’endroit est interdit au public, pour raisons de sécurité. Il est bien connu des passionnés de la Rome antique – et des chats. En effet, une grande communauté a élu domicile dans ces ruines. Les premiers peuvent se réjouir, les seconds devront trouver un autre dédale où fureter. Car, dans quelques mois, une passerelle permettra de traverser l’Area Sacra et de la contempler dans les meilleures dispositions. Tout ceci grâce au soutien financier – près d’un million d’euros – du joaillier romain Bulgari.
Les marques de luxe italiennes en renfort
C’est un fait, depuis plusieurs années les grandes marques de luxe italiennes volent au secours des richesses culturelles du pays. Il faut dire que la Péninsule est le pays le plus doté en sites inscrits au Patrimoine mondial de l’Unesco. Elle en compte 58, dont 53 culturels! C’est dire si la sauvegarde de ces trésors nécessite des finances conséquentes. A court de fonds, les autorités italiennes ont ouvert la brèche à des supports financiers privés. La politique en la matière était, durant des décennies stricte et exclusive, pour éviter une marchandisation du patrimoine. Mais devant l’urgence de la situation et le délabrement de certains lieux, l’Italie a lâché du lest. Matteo Renzi, alors chef du gouvernement italien qui, devant l’état et l’effondrement des murs de Pompéi, avait lancé: «L’Italie est le pays de la culture, alors moi je dis aux chefs d’entreprise: qu’attendez-vous?». Depuis, le pays octroie des compensations fiscales dans le cadre de dons pour des restaurations.
Eviter la Disneylandisation
Mais pas question de laisser les chefs-d’œuvre archéologiques du pays et de sa capitale devenir des étendards pour des marques et assister à une privatisation de ces richesses culturelles universelles, ni de risquer la Disneylandisation. Après quelques dérives, dénoncées et vite rattrapées, l’action des grandes entreprises semble désormais plus discrète, mais pas moins généreuse.
A l’instar de Bulgari, les maisons de luxe italiennes sont au premier rang pour se partager le lifting de la Ville éternelle. à commencer par son emblème, le Colisée: La restauration pharaonique du monument se finance à hauteur de 25 millions d’euros, par le chausseur Tod’s, tandis que la célébrissime fontaine de Trevi – immortalisée par Federico Fellini dans la Dolce Vita – a été rafraîchie en 2015 grâce à la maison Fendi qui, au travers de son projet Fendi for Fountains, a versé plus de 2 millions d’euros.
Bulgari rejoint l’aventure romaine
Pour Bulgari, l’aventure romaine a commencé en 2016 avec la restauration des mosaïques du gymnase des thermes de Caracalla. Ces mosaïques datent du IIIe siècle apr. J.-C. «Bulgari a une chance extraordinaire, en tant que joaillier romain, de disposer d’un environnement artistique et architectural unique au monde, qui chaque jour a un impact sur nos artisans», avait alors confié à Swissinfo Jean-Christophe Babin, CEO de Bulgari. Au même moment, la maison joaillière romaine ouvrait un autre chantier majeur: la rénovation de l’immense escalier qui conduit de la place d’Espagne à l’église de la Trinité-des-Monts. Annoncée en 2014, année des 130 ans de Bulgari, cette restauration est hautement symbolique. C’est au pied de ces 138 marches, via Sistina, qu’en 1884 Sotirio Bulgari a ouvert sa première boutique. Budgété à 1,5 million d’euros, le projet s’est avéré finalement moins onéreux. C’est ainsi que les institutions romaines dédiées à la restauration du patrimoine – appelées «surintendances» – ont proposé à Bulgari de consacrer le surplus à l’Area Sacra.
Sponsoring versus mécénat
Ces partenariats public-privé s’inscrivent dans un échange où les autorités publiques entendent garder la main. «C’est un dialogue permanent», souligne Lucia Boscaini, conservatrice du patrimoine chez Bulgari. Outre les avantages fiscaux, le retour sur investissement est assez subtil et objet d’accords contractuels. Ainsi Tod’s, par exemple, a négocié l’autorisation de pouvoir apposer son logo sur les billets du Colisée vendus chaque année. Et également d’associer la marque à la restauration du monument pendant environ 15 ans, d’après un article du Washington Post. De son côté, Fendi a dû se contenter d’une petite plaque discrète sur le côté de la fontaine de Trevi, «de la taille d’une boîte de chaussures», aux dires de son directeur général Pietro Beccari.
Et Bulgari? «A l’inverse du sponsoring, nous sommes dans une démarche de mécénat», précise Lucia Boscaini. Ce mot désigne un soutien sans contrepartie. «Nous conservons toujours le droit de communiquer sur ces actions. Cela participe d’une bonne image, cela donne de la profondeur à la marque et fait la fierté des équipes.» Fortement liée à son environnement, la maison joaillière romaine trouve dans ces actions de mécénat de quoi également nourrir ses propres collections. Ainsi le motif central, sorte de pétale, de la collection Divas’ Dream, lancée en 2014, s’inspire directement des mosaïques des thermes de Caracalla. «C’est bien de le faire savoir, car ensuite, le public a aussi envie d’aller voir ce qui a inspiré les bijoux, ajoute Lucia Boscaini. C’est du gagnant-gagnant.»
Caius Mæcena, l’origine du mécénat
La source historique du mécénat est à chercher dans la Rome antique sous les traits de Caius Mæcenas. Cet homme politique romain, protecteur des arts et des lettres, a vécu au Ier siècle av. J.-C. Perpétuée ensuite par les riches familles de la cité papale, telles les Borghese, les Torlonia, cette tradition de soutien inconditionnel aux arts et au patrimoine se prolonge jusqu’à nos jours, entretenue par les grands noms du luxe italien. «C’est aussi une question de responsabilité. La restauration de l’Area Sacra ajoute de la plus-value à tout un quartier et à la ville», affirme encore Lucia Boscaini, qui y voit un échange de bons procédés. Bulgari rend à César certes, mais surtout à Rome, ce que Rome lui a donné.
Marbres antiques uniques
La collection Torlonia a été constituée au début du XIXe siècle par Giovanni Torlonia (1754-1829), héritier d’une noble famille de Rome à la fortune considérable. Cet ensemble de sculptures antiques est considéré comme l’un des plus importants du monde et rassemble plus de 600 pièces provenant d’achats et de fouilles. Jusqu’au 1er janvier 2021, 96 marbres de la collection Torlonia, qui n’avaient plus été exposés depuis les années 1960, sont à voir à Rome au Palazzo Caffarelli, sur le Capitole. Les différentes sculptures, comme cette délicate «Vierge de Vulcain» (image), ont été soigneusement restaurés grâce au mécénat de Bulgari, partenaire principal de l’exposition. En effet, la maison joaillière collabore étroitement, depuis plusieurs années, avec la Fondation Torlonia, créée en 2014, dont l’objectif est la préservation et la promotion de la collection, ainsi que de la villa Albani.