Déjà sécateur préféré des professionnels et exporté dans le monde entier, le Felco 2, fabriqué à Neuchâtel depuis 1948, est aussi le chéri des jardiniers amateurs.

Les objets iconiques possèdent une évidence trompeuse. Ils font tellement partie du quotidien qu’on en oublie combien il aura fallu d’intelligence, de savoir-faire et de persévérance pour les imposer. C’est toute l’histoire du sécateur Felco 2. Outil de coupe ultime des professionnels, il a fait de son inventeur le numéro un mondial de la spécialité. Lorsque, en 1945, le jeune Félix Flisch, fraîchement démobilisé, rachète un ancien atelier horloger dans ce village des hauts de Neuchâtel, les Geneveys-sur-Coffrane, tout est encore à faire.


Né en 1914 à Walzenhausen, dans le demi-canton d’Appenzell Rhodes-Extérieures, le jeune homme est entré en apprentissage en Suisse romande à 15 ans. Il connaît tout des outils de coupe et de taille utilisés par les paysans et les viticulteurs du cru. Construits en acier, ils sont lourds et pas forcément très efficaces.


Ce sera donc son défi: concevoir des outils ergonomiques et durables. Ça marche tellement que dès 1946, il exporte ses créations. En 1948, invente le Felco 2, un sécateur qui devient vite incontournable. Pour la première fois, en effet, le manche est en aluminium forgé – gage de solidité et de légèreté –, alors que la lame devient interchangeable. Désormais, les professionnels ne jetteront plus leur outil de coupe puisqu’il est garanti à vie.

«On ne jette jamais son Felco», confirme Nabil Francis, CEO de l’entreprise et mari de la petite-fille du fondateur de la maison, toujours en mains familiales. «Soixante ans après, nous recevons encore des demandes pour rafraîchir un de nos outils. Souvent, il ne s’agit que de changer la lame.» Aujourd’hui, le Felco 2, quasiment inchangé, représente toujours près de 40% des ventes de l’entreprise. Chaque année, il s’en écoule quelque 600 000 pièces.

Production écoresponsable

Cette durabilité inscrite dans les gènes de l’entreprise rejaillit d’ailleurs sur l’entier de la production. «Tout naturellement, nous avons fait le nécessaire au fil des ans pour gérer nos ressources au mieux des intérêts communs.» Ainsi, 60% de l’aluminium et 100% de l’acier utilisés sont-ils issus du recyclage. «L’ensemble de nos besoins en électricité est produits à partir de sources d’énergies renouvelables. Nous avons également des panneaux solaires fixés sur la toiture.» Un toit qui accueille aussi des ruches, car grand-papa était également apiculteur!


L’usine, quant à elle, s’est développée autour de la maison de Félix Flisch. Elle accumule les strates au fil des ans, l’englobant enfin totalement dans l’unité de production. A l’intérieur, escaliers, monte-charges et portes coulissantes donnent accès aux halles, stocks et ateliers tous différents, tous bruissant d’activités. Ici, on reçoit les rouleaux d’acier de près de 400 kg. Les formes des lames sont étampées à la presse dans ces rouleaux. Là, elles subissent la trempe et le revenu. Ceci permet d’allier la solidité à une certaine souplesse, nécessaire à une taille durable. Ici encore, le meulage des pièces, la coupe, le chanfreinage, l’affûtage, tandis qu’en parallèle on s’occupe de la poignée, du support, de la contre-lame, du cliquet de fermeture et du ressort avant d’appliquer le plastique brillant, garanti sans phtalate, qui donne tout son éclat au Felco 2. «Une couleur toute simple, puisqu’il s’agit du rouge du drapeau suisse», s’amuse Aurelia Di Lenardo, responsable marketing et communication de l’entreprise.


On passe enfin à l’assemblage, opération délicate et millimétrique. Cette phase prouve que chacune des étapes précédentes a été parfaitement exécutée. Là, le coup de main est essentiel, même si tout un chacun peut s’aventurer à démonter son sécateur avec une clé de 7, une clé de 8 «et un peu d’expérience», renchérit Aurélia Di Lenardo.


«L’avantage de produire en Suisse, c’est justement ce savoir-faire incroyable disponible dans notre pays», assure Nabil Francis, pour qui la volonté de précision et le sens du détail font toute la différence dans un marché extrêmement concurrentiel. 94% des sécateurs, élagueurs ou coupe-câbles de notre production sont exportés. Une pression qui pousse à faire toujours mieux et exige une innovation constante. Ainsi, Felco a développé une gamme de sécateurs électriques. De plus, dans quelques mois sera mise sur le marché une solution d’aide à la décision dans le vignoble. Cette solution permet de géolocaliser, à 50 cm près, n’importe quel évènement dans les parcelles. Histoire de durer, encore…

Après avoir dirigé des équipes et des entreprises 20 ans durant en inde, au Sri Lanka ou aux Philippines, notamment, nabil Francis prend les rênes de Felco en juin dernier. Dans un sourire, il aime dire que sa femme, petite-fille du fondateur, lui a mis le marché en mains: « Je t’ai suivi pendant 20 ans, suis-moi maintenant! ». Séduit par un « outil industriel hors norme et cette fierté du travail bien fait qui émane des collaborateurs », il loue leur culture d’entreprise qui « préfère l’optimisme de l’action au pessimisme de l’intelligence ».