Nouvelle grâce chez Hermès

Britannico-jamaïcaine, trentenaire, installée à Londres dans le quartier de De Beauvoir Town, Grace Wales Bonner pilote sa marque éponyme depuis un ancien atelier de chapelier transformé en antre de création. Là, entre livres d’art, fragments d’étoffes et photographies d’archives, elle tisse une mode à la fois mystique et charnelle — un langage où le vêtement devient récit, où chaque couture raconte une mémoire.

Son arrivée chez Hermès a le goût d’une évidence, d’une rencontre entre deux sensibilités rares: l’une, ancrée dans le savoir-faire le plus pur; l’autre, tournée vers la quête intérieure du beau. Voici six raisons de s’en réjouir.

1. La couleur comme étendard

Chez Grace Wales Bonner, la couleur ne crie jamais, elle respire. Ses bruns chauds, ses mauves profonds, ses bleus presque poussière forment une palette qui évoque les matières naturelles, la peau, le souffle. Il y a dans ses teintes quelque chose de méditatif, enchanteur.

Cette approche du chromatisme – discrète, mais toujours vibrante – résonne parfaitement avec la tradition Hermès, où chaque nuance est un monde, un état d’âme. Ensemble, ils parleront sans doute la même langue.

2. Le cuir comme seconde peau

Bien avant cette nomination, Grace Wales Bonner dialoguait déjà avec le cuir. Dans ses collections, il apparaît sous forme de sandales tressées, des empiècements souples, des vestes sculptées avec la précision d’un artisan.

Chez Hermès, cette matière mythique n’est pas un symbole de puissance, mais de connexion – entre la main et la matière, entre le temps et la trace. On imagine déjà la créatrice y inscrire sa propre écriture, plus sensuelle, presque spirituelle: un cuir qui avec une patine du temps, un cuir qui se souvient.

3. La douceur comme territoire

Grace Wales Bonner a toujours dessiné des hommes qui ne s’excusent pas d’être tendres. Ses silhouettes sont longues, effilées, un peu mélancoliques; des sortes de poèmes en mouvement. Chez elle, la masculinité n’est pas un carcan, mais une émotion vêtue: d’un pull délicatement ajusté sur les épaules, une chemise qui devient seconde peau, un pantalon qui caresse la jambe plutôt qu’il ne la contraint.

Hermès, qui a toujours célébré la discrétion et le geste juste, trouve ici une héritière naturelle. Sa vision promet de transformer le vestiaire masculin en territoire de douceur.

4. Le dandy comme source d’inspiration

Grace Wales Bonner aime les rituels du style: les chapeaux, les vestes ajustées, les pantalons souples. Son univers est peuplé de dandys modernes, figures entre-deux qui naviguent entre Londres, la Jamaïque et Paris. Son amour des couvre-chefs – clin d’œil à son atelier londonien, autrefois dédié à la chapellerie – en dit long sur son rapport à la prestance.

Chez Hermès, cette passion pour le raffinement discret pourrait se traduire en silhouettes au charme feutré, où chaque bouton, chaque revers, chaque accessoire devient un signe de savoir-être.

5. Le vêtement comme symbole

Dans son travail, il y a quelque chose de presque cérémoniel. Grace Wales Bonner regarde les uniformes – militaires, religieux, scolaires – non pour ce qu’ils imposent, mais pour ce qu’ils racontent. Elle y puise des détails – broches, galons, sangles, fermoirs – qu’elle transforme comme bijoux et autres ornements sur cols de manteaux ou chemises.

Ce rapport au vêtement comme symbole et comme rituel rejoint la philosophie d’Hermès: Un habit n’est pas un simple objet, c’est un geste, une attitude. Sous sa direction, le vestiaire masculin de la maison pourrait se teinter d’une majesté contenue, d’une spiritualité du détail.

6. L’art comme lien universel

Grace Wales Bonner est une conteuse. Ses vêtements portent en eux les voix du jazz, les couleurs des fresques africaines, les textures du souvenir. Elle a souvent invité des artistes, des poètes, des musiciens à dialoguer avec ses collections, créant une forme de couture élargie, presque spirituelle.

Chez Hermès, maison elle-même ancrée dans l’idée du voyage et de la curiosité esthétique, cette sensibilité offrira un terrain fertile pour une couture qui pense le monde, qui relie les cultures sans les confondre.