
Responsable? Le chocolat! Oui, celui que l’on appelle «de Dubaï». Quand, en 2021, l’entrepreneuse britannico-égyptienne Sarah Hamouda a lancé la friandise fondante-croquante, en brun et vert, sous l’égide de son officine FIX Dessert, elle ne s’attendait certainement pas à la folie qu’elle allait déclencher. Les réseaux sociaux vouent toujours un amour éperdu à cette lubie caloriquement déraisonnable, fourrée de crème à la pistache, et les plus traditionnelles des marques suisses (Lindt & Sprüngli, Läderach ou Frey) s’empressent de sortir des interprétations haut de gamme.
Par la magie de la contamination délicieuse, la vague verte se décline toujours plus en version salée: sur les tables gastronomiques arrivent des carpaccios de crevettes sauvages et leur pesto de pistache ou des ombles du Léman sous un crumble pistache et raifort. Évidemment, un chef comme Yotam Ottolenghi pare depuis toujours ses choux-fleurs du délicieux fruit à coque – dans la cuisine levantine, la pistache relève de l’institution – mais les gourmets européens réalisent soudain que leur picorage d’apéro favori est en fait un produit de luxe, aux multiples subtilités gustatives.
Or, sous la subite pression de la demande, le cours de la pistache flambe: moins de 14 francs le kilo en 2022, pour des pics à près de 23 francs l’an dernier. Sans même parler des risques de pénurie: longtemps, l’Iran a été le plus gros cultivateur mondial de pistaches (le pays a d’autres priorités en ce moment…), avant que les États-Unis ne s’emparent du marché, dans les années 1970, avec des productions à (très, très) grande échelle en Californie. Mais là-bas, loin de sa terre de prédilection dans le bassin méditerranéen, la petite noix verte s’étiole quelque peu et subit de fortes variations d’année en année en raison de sa faible variété génétique.
C’est là que s’ouvre un créneau fertile pour la concurrence haut de gamme. En Espagne, le climat de plus en plus aride incite moult vignerons à remplacer les ceps par des pistachiers. La Sicile, elle, vante son «or vert», la si désirable variété de Bronte. Et la France entre dans la danse, avec l’association Pistache de Provence, qui rassemble de petits agriculteurs qui ne veulent que le meilleur. La première vraie récolte se fête en ce début d’automne et des Maison de la Pistache ouvrent dans les grandes villes. Ces prochains temps, la gourmandise sera verte.