
Dans son atelier d’Aubonne, la literie Elite prend forme pièce par pièce. Ici, on crée du sur mesure, à la main, pour améliorer le sommeil et le confort.
La sonnerie retentit dans l’atelier. Même son que dans une école: strident, une dizaine de secondes, marquant la fin de la pause. À cet instant précis, tout repart. Les machines s’ébrouent, on coud, on découpe, on taille. En quelques instants, l’atelier de literie Elite bourdonne comme une ruche.
C’est à Aubonne, dans son unique site de production, que l’entreprise suisse fondée en 1895 fabrique une literie sur mesure. En se concentrant à ses débuts uniquement sur la distribution dans des enseignes multimarques, la maison a ouvert depuis 2011 ses propres points de vente, pour encore mieux conseiller sa clientèle et offrir l’expérience d’un sommeil haut de gamme. «Quand vous venez tester un matelas chez nous, il faut compter une bonne heure d’analyses et de tests personnalisés, selon votre morphologie, votre poids, vos points d’appuis…», explique Marie Pugliese, responsable du développement commercial. Au total, ce sont 20 maisons de vente dont cinq à l’international, jusqu’à Shanghai ou Le Cap, en Afrique du Sud.

Mais c’est dans cet atelier que tout naît. Dès qu’on y pénètre, on ne sait plus où poser le regard. A gauche, deux couturières, penchées sur leurs machines, alignent leurs points avec une concentration sans faille. À droite, une autre machine marque le revêtement du matelas de lignes hypnotiques. Derrière une porte entrouverte, la menuiserie résonne déjà de coups sourds. Et au milieu de tout cela, impossible de résister à la tentation d’attraper un ressort, emballé dans son sachet pour garder toute sa dynamique: son élasticité amuse, presque comme un objet antistress qu’on emporterait volontiers avec soi.
Mais rapidement, Marie Pugliese revient à l’essentiel: les couches du matelas. Cachemire, soie, crins de cheval… Ces derniers intriguent par leur texture légèrement rêche au toucher, mais étonnamment souple et ventilée. «Chaque matériau a sa fonction», précise-t-elle. Une fonction et, surtout, un mantra: aucun composant chimique ni de composant organique volatile. La literie est d’ailleurs certifiée Ecolabel. Superposées avec soin, ces couches seront ensuite emballées d’un survêtement, pour former le cœur du matelas.

Chaque geste compte
Les finitions sur les côtés sont réalisées à la main; les poignées sont cousues une à une; l’étiquette «Elite» posée avec précision; idem pour les aérateurs, plaqués or s’il vous plaît. Le matelas peut même être brodé d’initiales, d’un nom, ou d’un «Monsieur» et «Madame». Plus loin, deux artisans s’emploient à fixer les rosaces. Armés de longues aiguilles, ils traversent le matelas de part en part, un geste patient et régulier qui scelle définitivement l’ouvrage. Là encore, la machine pourrait accomplir la tâche. Mais c’est le geste humain qui donne sa solidité et sa singularité au produit fini.
Puis vient la menuiserie, pour créer le cadre et la tête du lit. Ici, pas de sommier classique, uniquement des boxsprings. «La qualité est incomparable», affirme François Pugliese, directeur de l’entreprise. Un boxspring peut durer jusqu’à trente ans, quand un sommier standard atteint difficilement la dizaine. «Le calcul d’amortissement est vite fait», glisse-t-il en souriant. Dans cet espace, tout est possible. Architectes ou clients particuliers, chacun arrive avec son projet, parfois précis, parfois audacieux. Tout est découpé sur mesure, dans du bois suisse.

Autre originalité qui surprend au premier coup d’œil: des ressorts en bois. On aurait du mal à imaginer qu’ils puissent être confortables. Pourtant, en posant simplement un doigt dessus, on ressent immédiatement leur souplesse. Ces WoodenBoxsprings ont été brevetés avec l’aide de l’Ecole supérieure du bois de Bienne, pour proposer une alternative plus organique et locale. François Pugliese nous laisse tester, sourire aux lèvres, et on s’amuse à comparer le rebond avec celui des ressorts métalliques, montés eux aussi à la main dans une spirale régulière, précise et captivante à observer.
Quelques pas plus loin, le calme revient. Dans cette pièce, les rouleaux de tissus s’alignent le long des murs, imposants et colorés. Nous sommes à la tapisserie. Un artisan découpe avec soin un tissu destiné à une tête de lit pour un hôtel à Villars. À côté, une couturière ajuste les plis pour que les motifs se suivent parfaitement. Le soin du détail, on vous dit!

François Pugliese
Aux côtés de sa fille Marie, François Pugliese reprend les rênes de l’entreprise en 2006, que lui remet Edith Caillet, la petite-fille du fondateur, Jules-Henri Caillet. Diplômé en finance et ancien directeur financier chez Honda, à Genève, il découvre le secteur de la literie et se familiarise rapidement avec celui-ci. Animé par l’idée de préserver l’esprit familial de l’entreprise, il choisit de ne pas faire entrer d’investisseurs externes, gardant ainsi le contrôle total de l’entreprise. La maison compte aujourd’hui 60 personnes sur le site d’Aubonne, et une centaine avec les points de vente en Suisse.

