Elie Saab, couturier du faste et du brio, se diversifie dans une nouvelle ligne maison. Son intérieur personnel reflète son désir d'ordre et sa clarté. Bienvenue dans sa résidence parisienne.

Pourquoi cet appartement plutôt qu’un autre? La réponse s’impose comme une évidence dès le seuil franchi, dès que l’on pénètre dans ce bain doré qu’offre la lumière de l’automne à travers les baies grand ouvertes. «J’ai toujours envie de soleil, dit Elie Saab. J’aime ces fenêtres généreuses qui donnent sur toutes les directions.» Vue imposante sur la tour Eiffel et le musée de la mode Palais Galliera en prime.


Après son admission définitive comme membre de l’olympe de la mode parisienne en 2005, le styliste de haute couture libanais a cherché une résidence adéquate pour sa famille de cinq personnes au bord de la Seine. La grande sculpture en bronze dans l’entrée, signée Jean-Claude Hug (1978), est pour lui un rappel de ce temps-là et un symbole intime de sa réussite. «Lorsque je suis venu à Paris pour la première fois, au début des années 1980, pour des études en mode, je suis tombé en arrêt devant cette sculpture dans une galerie, raconte-t-il. A l’époque, elle était évidemment totalement hors de mes moyens financiers.»


Les écoles n’ont pas eu grand-chose à enseigner au jeune génie de la couture. En outre, en tant qu’aîné de cinq enfants, il était déterminé à gagner rapidement de l’argent pour sa famille. C’est ainsi qu’il a abandonné les cours et, de retour à Beyrouth, ouvert son premier atelier à 18 ans. Un succès total. Dans un pays affligé par la guerre, ses robes de rêve, somptueuses, représentaient exactement l’échappatoire qui faisait rêver les dames de la société. Elie Saab a commencé à gagner de l’argent, à collectionner des œuvres d’art et des objets, surtout des années 1970. «Et imaginez, sourit-il: juste quand j’avais entrepris de meubler cet appartement, en 2006, une galerie m’a proposé cette même sculpture qui m’avait tant frappé. Et cette fois, j’ai pu l’acheter.»


Le salon représente le cœur de l’appartement de 500 m2 situé dans un immeuble haussmannien typique du XIXe siècle. Il est divisé en deux parties, avec une grande salle à manger décorée de boiseries. C’est un ami, l’architecte Chakib Richani, qui a reçu la mission de l’aménager. «Alors que ma mode est colorée et ludique, je préfère que ma maison soit discrète et sobre. C’est pourquoi je ne voulais pas d’un décorateur, mais d’un architecte», explique le maître de maison.

A la fois foyer et lieu de représentation

Chakib Richani a conçu les lieux en une scénographie géométrique, qui met en valeur les grands volumes de la pièce, les murs et plafonds stuqués. Les meubles, spécialement dessinés, s’imposent comme autant d’installations architecturales: canapés noirs en cuir tressé, guéridon d’appoint composé de six cubes individuels noirs, lampadaires surdimensionnés. La table de salle à manger trône comme un monument, en acier inoxydable poli et brillant. La journée, elle reflète les boiseries sombres et historiques; de nuit, elle multiplie les flammes des bougies. Il a fallu une grue pour hisser cette pièce pesante, géante, dans l’appartement… Ce décor musclé et dépouillé, presque minéral, sert de toile de fond à la myriade de pièces de collection qu’Ellie Saab affectionne. Sculptures, luminaires ou «transgenres», comme cette chaise en inox étincelante, signée Ron Arad, qui hésite entre l’objet utilitaire et l’œuvre d’art. «J’ai probablement besoin d’un intérieur plus masculin, aux antipodes de mon travail, sourit le couturier aux mille volants et sequins. J’aime la clarté et l’ordre. Ils me détendent.»


S’il n’était devenu couturier, Elie Saab avoue qu’il aurait été tenté par l’architecture. Sa nouvelle ligne Maison arrive d’ailleurs en Europe cette année, avec des pièces d’ameublement qui revendiquent le même train de vie fastueux que les collections vestimentaires (lire ci-contre). Là, un luminaire comme serti de diamants géants, ailleurs un lit tendu de textiles opulents ou des vases et vasques en verre de Murano, frappés d’un motif d’écailles. Ce n’est dès lors pas un hasard si l’appartement parisien évoque autant un lieu de représentation qu’un foyer familial animé au quotidien: il est les deux à la fois. Le couturier y reçoit, qu’il s’agisse d’amis ou de très bons clients. Et l’homme n’est pas du style à s’autoriser du laisser-aller, en affaires comme en privé. «Chez moi aussi, je suis toujours habillé correctement. On mange à table, pas sur le canapé et encore moins au lit», rit-il. On le croit sans peine. Un tel intérieur en impose suffisamment pour que personne n’ait l’idée de s’y vautrer en training.


L’appartement parisien n’est pas le seul qu’Elie Saab aime à habiter. Citoyen du monde, il possède plusieurs résidences au Liban, à New York ou encore à Genève, où ses trois fils ont étudié. L’aîné, Elie Saab Jr, est aujourd’hui le CEO de l’entreprise. «Aucune de mes maisons ni aucun de mes appartements ne ressemblent à un autre, explique l’entrepreneur à succès. Chacun s’inspire à sa manière du lieu et de l’architecture qui l’entourent. Seule la palette de couleurs discrètes, la même partout, sert de fil conducteur. C’est surtout parce que je conçois toujours un intérieur comme une valeur qui dure dans le temps. Je réfléchis beaucoup à l’avance, mais une fois que j’ai aménagé, je modifie à peine quelques détails. En fait, rien n’a changé ici depuis 2006.» Reste que rien ne peut prétendre défier les temps. L’un des appartements d’Elie Saab a été réduit en cendres lors de l’explosion de Beyrouth en 2020. Lui-même séjournait alors dans la capitale et travaillait à quelques kilomètres du port, dans son studio – même là, les vitres ont volé en éclats. «Quelle tragédie s’est produite ce jour-là, soupire-t-il. Je serai éternellement reconnaissant que mon équipe et ma famille ont survécu. C’est le plus important.»

L’intérieur selon Elie Saab Maison

Canapé virgule de la collection actuelle

Depuis deux ans, Elie Saab propose également des meubles et des accessoires, réalisant ainsi un rêve ancien. Le premier showroom d’Elie Saab Maison a ouvert ses portes à Milan, deux autres suivent cette année à Paris et à Beyrouth. Les meubles, les tapis, les textiles d’intérieur, les luminaires et les objets en verre traduisent le style de mode opulent du designer dans l’univers intérieur et se distinguent par une attention aux détails et matériaux précieux, par des volumes voluptueux .

«Mon appartement me reflète en tant que personne privée, dit Elie Saab. La nouvelle ligne Maison représente un style de vie en accord avec les collections.» Pour concrétiser sa vision d’une élégance intemporelle, dans laquelle les meubles modernes se combinent harmonieusement avec des œuvres d’art, des pièces de famille ou des antiquités, il a engagé l’Italien Carlo Colombo comme directeur créatif. Elie Saab Maison est produit en Italie et distribué par Corporate Brand, une entreprise suisse spécialisée dans les projets d’extension de marque dans les secteurs de l’immobilier et de l’hôtellerie. A Dubaï, ils ont déjà commercialisé avec succès les résidences Elie Saab équipées clés en main dans la tour Grand-Bleu.


De nombreuses autres sont déjà en cours de construction dans le monde entier.