La ville et sa région se dégustent... Il faut savourer le charme des lumières changeantes, mais aussi les notes du célèbre vin local. Une découverte spectaculaire.

Le problème de Porto, c’est que la ville est trop bien reliée aux capitales européennes par les compagnies aériennes à bas prix: elle ne sait pas retenir ses hôtes plus de trois jours… Et pourtant, il y a mille choses à découvrir dans la deuxième ville du Portugal et ses environs. C’est à bord d’un des trois bus à impériale (il en existe un rouge, un bleu et un jaune, qui partent devant la Sé, la cathédrale) que l’on visualise en deux heures le panorama de la cité. Mais mieux vaut éviter de prêter oreille – c’est parfois difficile – à ces touristes venus en coup de vent: «Ah, je n’aime pas cette architecture. Brr, il pleuvine et il fait froid. Oh, ça monte partout!»


Reprenons. C’est bien l’architecture qui, ici, fascine. Côte à côte, un immeuble moderne, parfois audacieux, ou une façade Art nouveau, souvent décatie. Ou d’austère granit noir… les «dents creuses», dans les alignements de maisons, ouvrent des perspectives sur le ciel, à travers les fenêtres béantes et les toits troués. Surtout dans le vieux quartier de Ribeira, sur les bords du fleuve Douro. On est sur la face atlantique de l’Europe, et le soleil joue à cache-cache avec les nuages, créant des ambiances dignes d’un peintre flamand.


Pour aller chercher les secrets de la région côté breuvage identitaire, il faut commencer par franchir le pont Dom Luiz I (en tram moderne ou à pied), construit par un disciple de Gustave Eiffel (qui, lui-même, a dressé les plans de celui qui servit au chemin de fer, à quelques encâblures). A l’extrémité du Dom Luiz, côté ville, le funiculaire descend dans le si pittoresque quartier de Ribeira, classé au Patrimoine mondial de l’Unesco. De l’autre côté du Douro, une télécabine enjambe Gaia et surplombe ses entrepôts de vieillissement du porto…


Le porto, justement! Car si la ville a donné son nom à tout le pays, comme chef-lieu du comté du «Portucal» dès l’an mille, elle s’est enrichie et popularisée universellement à travers un breuvage apprécié des Anglais. Non seulement Porto est une des treize Great Wine Capitals (comme Lausanne), mais cette année, la vallée du Douro a été nommée, début février «capitale européenne du vin» (à l’égal de Toulouse). C’est en face de Ribeira, à Vila Nova de Gaia, que sont installées toutes les grandes marques. Les caves se visitent: elles alignent des dizaines de fûts de chêne de toutes dimensions. Le plus intéressant des portos est un vin muté à l’alcool, qui titre 20% et tire ses arômes de l’élevage. C’est le «tawny», soit «fauve» en anglais, un terme qui caractérise sa couleur, plus proche du cognac que du «ruby», le porto d’entrée de gamme, très doux. Le premier se boit au dessert, le second en apéritif. Des vins complexes et… compliqués à expliquer.

La vallée du Douro, joyau viticole

Aujourd’hui, la mode est au porto blanc jeune, servi bien frais en «long drink» ou avec du tonique. Ou à l’extrême inverse, le «réserve» de 10, 20 ou 30 ans, élevé comme les «tawnies». Pour comprendre ce monde à part, le WOW (acronyme de World of wine) vient d’ouvrir en plein cœur de Gaia. Ce complexe, qui fut un chantier dantesque, offre une muséographie ultramoderne et interactive pour expliquer le vin, mais aussi les bouchons, les verres, l’histoire locale et même le chocolat, qui va si bien avec les portos.


Mais si les bouteilles sont nombreuses, il n’y a évidemment pas l’ombre d’un cep sous l’impitoyable soleil estival de Porto. Pour admirer les vignobles, il faut quitter la ville et remonter le cours du Douro. Cap sur Pinhao. En version très chic: en bateau de croisière. Ou plus populaire: en train, de la gare-musée de Sao Bento ou de celle de Campanha, reliée au métro. Plus pratique: au volant, par l’autoroute A4, qui contourne l’agglomération et plonge, 120 kilomètres plus loin, sur le bourg, sa gare et son port sur le Douro. La route alors zigzague entre les «patameres», où la vigne pousse en rangées, en suivant les courbes de niveau, modelant de spectaculaires escaliers ondulants.

Ces talus aménagés au bulldozer ont remplacé les terrasses soutenues par des murs de schiste ou de granit, de la plus ancienne région viticole au monde délimitée par le marquis de Pombal en 1756. L’excursion dans cette vallée, un panorama lui aussi classé à l’Unesco, justifie à elle seule le voyage à Porto.

Trois plaisirs à Pinhao

Déjeuner

Déjeuner dans le bourg, à la Quinta do Bonfim du chef réputé Pedro Lemos et de la famille Symington. Les portos y sont d’une grande finesse, avec des labels tels Graham’s, Cockburn’s, Dow’s.
www.symington.com/visitar/quinta-do-bomfim/

Se promener

Se promener sur un parcours didactique dans les vignes à la Quinta do Seixos, belvédère du producteur Sandeman, sur la rive gauche du fleuve.

https://www.sandeman.com/port-wine/visit/quinta-do-seixo-douro/

Dormir

Dormir dans une des 29 chambres de la Quinta do Ventozelo, un complexe viticole partiellement reconverti en hôtel chic, avec vue et piscine (dès 155 euros la chambre double). La table y est agréable, également. Le groupe de spiritueux français La Martiniquaise a acquis ce domaine il y a dix ans et a replanté les 200 hectares de vignes. Des portos (le populaire Cruz) sont proposés et de rares blancs vieillis de la marque Dalva, tels les étonnants Golden White, millésimés et onéreux. Ce vignoble produit douze vins secs de cépages, en blanc et en rouge, et des assemblages rouges, d’un bon rapport qualité-prix (autour de 14 fr.). Labellisés Ventozelo, ils arrivent tout juste en Suisse, via leur importateur genevois.
www.hotel.quintadeventozelo.pt