1. Le château de Laeken, Bruxelles

Ville transparente

Le lieu Le projet, en 1873, était hautement ambitieux: le roi Léopold II voulait un «palais de verre idéal». L’architecte Alphonse Balat a donc déployé la plus subtile des virtuosités pour une expression grandiose du fer et du verre. Dans l’enceinte du château de Schonenberg, à Laeken, près de Bruxelles, s’est ainsi élevée, sur une trentaine d’années, une sorte de ville transparente, faite de 36 pavillons aux coupoles monumentales, reliés par de larges galeries. Le style, très travaillé, a inspiré maintes architectures Art nouveau.

Le point fort Les Serres royales de Laeken ne s’ouvrent au public que trois semaines par an – une tradition séculaire – et font l’objet d’une mise en place spectaculaire, pour que toutes les fleurs et plantes rares éclosent à point.

Ne pas partir sans… avoir repéré l’arbuste Abutilon megapotamicum, le préféré de la reine Mathilde, avec ses fleurs aux trois couleurs du drapeau belge.

Serres royales du château de Laeken, ouvertes au public cette année du 26 avril au 20 mai. Tickets sur koninklijke-serres-royales.be.

2. Le château de Schönbrunn, Vienne

Comme un phénix…

Le lieu A son ouverture en 1882, la palmeraie de l’empereur François-Joseph avait fière allure, dans le parc arborisé du château de Schönbrunn. Elle pouvait alors se targuer d’être la plus vaste du monde. La population avait accès, un jour par an, aux collections végétales de ses trois bâtiments de verre, l’un chaud (18 degrés au moins), le deuxième tempéré (12 degrés), le troisième froid (6 degrés). Or, en 1945, les bombes larguées tout près ont fait exploser les somptueuses verrières. Reconstruites en 1953, celles-ci ont été rénovées en 1988.

Le point fort Quelques raretés remarquables, comme ce cocotier des Seychelles si difficile à élever sous serre ou ce pin de Wollemi considéré comme un fossile vivant. Chaque début d’année, une exposition colorée d’azalées et de camélias fait converger les amateurs. A noter pour 2025…

Ne pas partir sans… avoir, au centre de Vienne, mangé, pris un café ou dansé (le vendredi soir) dans une autre serre royale, la Palmenhaus, aujourd’hui transformée en restaurant où plantes et humains végètent joyeusement ensemble. C’est à la rue Burggarten 1.

Schlosspark Schönbrunn, entrée Hietzinger, Vienne, ouvert 10-17h ou 18h selon la saison.

3. Eden project, Cornouailles

L’éducation par le divertissement

Le lieu Une ancienne carrière de kaolin avait transformé ce coin de Cornouailles, près de la ville St Austell, en vaste cratère stérile. Aujourd’hui, une immense forêt (près de 10 hectares) s’y déploie sous cinq dômes. Deux biomes reproduisent l’un le climat tropical humide, l’autre le climat méditerranéen. Vocation ludique mais aussi didactique: il s’agit d’expérimenter les technologies en lien avec la nature et leur pouvoir pour refertiliser les sols.

Le point fort Conçu comme une démonstration par l’acte, le jardin reste évolutif, s’améliorant sans cesse grâce aux innovations technologiques. Le concept pourrait essaimer dans d’autres régions d’Angleterre (il est question d’Ecosse et de thèmes marins), mais aussi en Chine et au Costa Rica.

Ne pas partir sans… avoir repéré la sculpture de l’artiste Jenny Kendler: les regards de cent oiseaux menacés.

Eden Project, Bodelva, Cornouailles, ouvert tlj, 9h30 – 16h (horaire selon la saison)

4. Lednice, République tchèque

Délicieuse déco

Le lieu Le gigantesque complexe (200 km2!) de Lednice-Valtice, en Moravie (République tchèque), représente un merveilleux exemple de l’art paysager romantique. Les deux châteaux sertis dans le parc ont été reconstruits en style néo-gothique au XIXe siècle par la famille Liechtenstein, avec moult agréments comme de fausses ruines ou un pavillon chinois. La charmante palmeraie date de 1842, ce qui en fait la plus ancienne d’Europe encore en activité. Sa construction, à l’époque, a relevé du pur défi technologique.

Le point fort La serre aussi a été conçue comme un espace d’agrément, où la noblesse aimait certes à cultiver ses oranges, mais aussi à recevoir. Les détails décoratifs – grilles d’écoulement, fontaines, chapiteaux de colonnes ornés de feuillages dorés – attestent de cette vocation. Le système de stores en bois, pour protéger les plantations d’un excès de soleil, est d’époque.

Ne pas partir sans… avoir bu une limonade aux pétales de rose dans le joli café du château, spécialisé en boissons inventives confectionnées sur place.

Accès par le château du village Lednice, à 3 h de route de Prague. Le parc est ouvert 24/24, La serre et les divers espaces se visitent de 9 à 16h (horaire selon la saison). Entrée payante.

5.Palmengarten, Francfort

La verdure en musique

Le lieu Le Palmengarten a été inauguré comme espace public en 1871, après que le duc Adolf de Nassau ait dû se séparer de certains jardins pour raisons financières. Le célèbre paysagiste Heinrich Siesmayer, chargé de la transaction, en a profité pour réaliser une levée de fonds et une mise en place à la hauteur de ses rêves, enrichissant avec passion les collections végétales existantes. La haute bourgeoisie de l’époque a d’emblée adopté le parc pour ses déambulations dominicales, mais aujourd’hui la vaste oasis verte du centre-ville (réunie avec le jardin botanique adjacent sur 19 hectares) est devenue un lieu de rassemblement culturel très populaire, avec aussi une ambitieuse programmation de tous les genres musicaux.

Le point fort La grande serre aux palmiers est naturellement au cœur du projet, conçue d’office comme un espace de rencontre, avec sa cascade, sa grotte, son ruisseau… Les serres annexes sont attrayantes aussi, surtout le Papiliorama très didactique.

Ne pas partir sans… avoir rendu visite, dans le jardin botanique très orienté vers les plantes indigènes, aux espèces en voie de disparition, signalées par des étiquettes rouges.

Botanischer Garten, Frankfurt am Main, Siesmayerstr. 72, tlj 9-18h (13h le dimanche).

6.Kew Gardens, Londres

Cathédrale de verre

Le lieu Après cinq ans de restauration minutieuse (et 41 millions de livres), les plus célèbres jardins botaniques du monde, ceux de Kew au sud-ouest de Londres, ont rouvert en 2018 la fameuse serre tempérée. Sous la délicate et splendide construction victorienne, reconnue comme site classé par l’UNESCO, poussent 1200 espèces sous 15 000 panneaux de verre soutenus par des arcades en fonte
de 19 mètres de haut.

Le point fort Les platebandes ont aussi été rafraîchies: beaucoup de végétaux d’origine ont été remplacés par leurs descendants, issus de boutures.

Ne pas partir sans… avoir acheté des semences du cru dans la très débordante boutique du jardin. Par exemple ce concombre Crystal Apple?

Jardins botaniques royaux de Kew, Kew Rd, Richmond (Londres), ouverts tlj de 10 à 16h.

7.La ferme aux agrumes, Nyon

Gloire au doigts-de-bouddha

Le lieu Dans la banlieue de Nyon, à Borex, au-dessus du Léman, se cache un petit bijou: une serre privée qui abrite la 4e collection d’agrumes du monde. Depuis une quinzaine d’années, un agrumiculteur passionné, Niels Rodin, ancien banquier, bichonne là cédrats et autres doigts-de-bouddha pour les plus grandes tables gastronomiques du pays. La serre est devenue un vrai conservatoire de fruits rares et le label Niels Rodin se développe au sein de l’entreprise Green Market, aspirant à une diffusion plus large de ses beaux produits.

Le point fort L’orientation gastronomique et la commercialisation de ces saveurs sont clairement affichées, et les recherches actuelles se dirigent vers l’acclimatation de nouvelles cultures précieuses: gingembre, curcuma, fruitiers rares…

Ne pas partir sans… avoir acheté une bouteille de liqueur de yuzu, une version sophistiquée et japonisante du classique limoncello. Ou alors un bocal de citrons caviar fumés?

La ferme aux agrumes, route d’Arnex 9, Borex, visite sur inscription les samedis matins à 10h.

8.Orto botanico, Palerme

Plus chaud que chaud

Le lieu Le jardin botanique au centre de Palerme est l’un des rares au sud de l’Europe, avec des serres construites à la fin du XVIIIe siècle, peuplées d’oiseaux et envahies par une végétation luxuriante. A l’origine, il s’agissait surtout de cultiver quelques plantes médicinales étudiées à l’université voisine. Aujourd’hui, le parc est réputé pour son ambiance mystérieuse et romantique.

Le point fort La collection de plantes carnivores et… le café Talea, installé depuis 2021 dans l’une des serres anciennes, primé pour sa qualité d’accueil et l’astucieux système de coupe-soleil en forme de feuilles de gingko géantes. A la carte? Des dégustations végétales et des boissons à base de plantes locales.

Ne pas partir sans… avoir admiré les impressionnantes racines aériennes du figuier de la baie de Moreton, emblématique du lieu, lui qui y prend ses aises depuis 1845.

Jardin Botanique, via Lincoln 2, Palerme, ouvert 9-17h.

9.Le jardin botanique, Bâle

Jeux climatiques

Le lieu En plein de cœur de Bâle, le jardin botanique a intégré son site actuel, près de Spalentor, en 1989, après trois déménagements. Dès le début, en 1589, le plus ancien jardin de l’Europe germanophone a répondu à une vocation universitaire, comme soutien à la recherche. Aujourd’hui, le lieu offre une occasion unique d’étudier les climats, puisque la nouvelle serre permet d’induire des variations météorologiques sur l’espace de quelques mètres.

Le point fort La nouvelle serre tropicale, rouverte en mai dernier, est la seule du genre en Suisse, puisqu’elle se focalise sur les plantes des sommets d’Amérique latine. On y admire des variétés rarement montrées dans d’autres jardins, comme la baie du miracle ou fruit miracle, dont les baies modifient nos perceptions de goût. Et ne pas oublier le phallus du Titan (Arum Titan), cette géante à la forme suggestive dont la floraison est espacée de plusieurs années.

Ne pas partir sans… avoir fait un saut dans le désert, à la Namibiahaus, où il fait sec et chaud. Y pousse la très rare Welwitschia mirabilis, qui peut vivre des milliers d’années.

Jardin botanique de l’Université de Bâle, Spalengraben 8, Bâle, tlj en été 8-18h.

10.Le jardin botanique, Genève

Jungle suisse

Le lieu Le site est grandiose, près du lac, et ouvre une perspective de douceur de vivre aux automobilistes stressés qui déboulent de l’autoroute. De fait, les hautes structures de métal et de verre qui s’élèvent sur le domaine de l’Ariana depuis le début du siècle dernier amènent la nature alpine en ville, avec rocailles et rochers. Dans cette Suisse miniature s’élèvent des serres modernes (les nouvelles ont à peine 40 ans) pleines des folies luxuriantes de la jungle.

Le point fort En saison, l’un des plus grands nénuphars du monde, le Victoria cruziana, prend ses aises sur le bassin en face de l’entrée. Moins visible mais très important: le jardin est un lieu de recherche sur la culture biologique, certifié par le label Bourgeon, et s’impose en référence dans le domaine de la conservation des espèces.

Ne pas partir sans… avoir repéré le potager ProSpecieRara, un peu à l’écart, où les jardiniers laissent les légumes monter en graines, pour récolter et multiplier les semences de variétés locales anciennes.

Conservatoire et Jardins botaniques de Genève, Ch. de l’Impératrice 1, Chambésy-Genève, ouvert tlj, en été 8-21h.

Un climat créé sur mesure

Outre le plaisir indéniable de déambuler entre bananiers et arbres à litchis au cœur des villes européennes, la question s’impose: comment chauffer de tels espaces? La plupart des serres spectaculaires datent du XIXe siècle et c’est peu de dire que l’époque n’était guère armée pour lutter contre la déperdition énergétique. C’est ainsi que certaines villes, comme Lille ou Montpellier, en France, décident de débrancher leur serre équatoriale… Et tant pis pour les merveilleuses collections de plantes rares. Beaucoup d’installations anciennes fonctionnaient avec des canalisations insérées dans les structures métalliques, alimentées en vapeur par d’immenses chaudières. Un véritable gouffre à kilowatts… Les serres récemment rénovées ont été repensées pour limiter les dégâts, comme dans les jardins de Kew, où un cheminement vers un système durable est prévu à l’horizon 2030.

En Suisse, le Papiliorama de Chiètres (Kerzers), très apprécié pour ses plus de 1000 papillons s’ébattant sous un dôme tropical, prévoit de passer de l’actuel chauffage au gaz à un raccordement au chauffage à distance, alimenté au bois: la récolte de fonds est en cours pour le projet 2030+. A Bâle, la récente rénovation de la serre tropicale permet aussi une meilleure gestion des flux d’air entrant et sortant.


Cela posé, certains jardins botaniques historiques ont mis les bouchées doubles. A Laeken, en Belgique, le problème a été traité en 2021, grâce à un réseau de tuyaux souterrains acheminant vers le domaine royal la chaleur résiduelle dégagée par l’incinérateur de Neder-Over-Heembeek, à près de 5 kilomètres de là. A Genève aussi, le système de chauffage du jardin botanique a été entièrement repensé, et repose depuis 2013 à 100% sur les énergies renouvelables, bois local (75%), biogaz (20%) et solaire (5%). Les plantes sont arrosées par l’eau de pluie récupérée. Quant à la ville de Sarasota, en Floride, elle vient d’inaugurer le jardin botanique Marie Selby reconstruit (57 millions de dollars) pour atteindre l’objectif zéro émission. Les nouveaux écosystèmes sous bulle qui sortent de terre – tel le projet Eden en Angleterre – se veulent, eux, les fers de lance de la recherche en gestion de la température et de la culture sous serre.