Cocktail sans alcool

Pour trinquer entre amis ou sublimer une assiette gastronomique, l’alcool n’est plus une figure imposée. Sommeliers, barmans et chefs de cuisine rivalisent de créativité pour proposer de délicates boissons qui offrent le flacon sans l’ivresse!

Il fut un temps où l’on nous promettait que sans alcool, la fête était plus folle. Qu’un Canada Dry pouvait avoir le goût et la couleur d’un Dry sans pour autant être source de lendemains qui déchantent. Expériences faites, le plaisir était rarement au rendez-vous.


Mais, voici que, depuis quelques mois, l’univers des boissons sans alcool a opéré une petite révolution. A l’heure des nouvelles habitudes alimentaires et des restrictions multiples, dans le verre comme dans l’assiette, on allège! Comme nombre de pays occidentaux, qui voient leur consommation d’alcool baisser, la Suisse met aussi de l’eau dans son vin. Pas question pour autant de renoncer au plaisir: L’offre «nolo» (pour No Alcohol) se fait de plus en plus attractive! Le site ivredeplaisir.ch, lancé en juillet dernier par Luca Santos, en est la parfaite illustration:

Sur cette plateforme d’e-commerce, le Neuchâtelois propose une cinquantaine de références dénuées d’éthanol. «C’est lorsque j’ai moi-même décidé d’arrêter de boire de l’alcool que je me suis rendu compte que les propositions qu’on me faisait n’étaient pas folichonnes. J’ai fait des recherches qui m’ont montré que l’offre et l’assortiment se sont considérablement améliorés. On est en présence de boissons qui sont conçues en amont pour exister sans alcool, non de produits classiques désalcoolisés». Toute la différence tient à cette approche. Pour sa Placebo, la Brasserie Docteur Gab’s travaille avec des levures spéciales qui dégagent moins d’alcool lors de la fermentation. Pernod Ricard propose, avec son Cerder’s, une boisson à base de plantes aromatiques typiques du gin, franchement bluffante.

Les as du cocktail s’y mettent aussi

Autant de nouvelles boissons qui ouvrent le champ des possibles pour la mixologie. Victor Topart, barman du Crapule Club à Fribourg et barkeeper of the year 2021, le confirme. «Je pense que nous sommes à l’aube d’une autre façon de consommer. Les grandes marques investissent. On a désormais accès à des produits de qualité qui nous permettent de travailler avec un haut niveau de complexité.»


Si du côté des shakers, l’absence d’alcool n’est plus un frein à la créativité et au goût, il en va de même avec la gastronomie. Initié dans les pays scandinaves, où la culture viticole est beaucoup moins prégnante, sublimé par des chefs comme René Redzepi, chantre de la fermentation dans son restaurant Le Noma à Copenhague, le «pairing» sans alcool vient bousculer les habitudes.

C’est ainsi que la cheffe française multi-étoilée Anne-Sophie Pic a élaboré de délicats accords mets- boissons sans alcool avec sa sommelière exécutive Paz Levinson, pour son menu unique. Ici, l’huître se marie avec un thé Sencha Cold Brew; son célèbre berlingot avec un kombucha de lemongrass; son saint-marcellin avec un mélilot clarifié et son vacherin à la poire avec un jus de coin Retter. Une démarche évidente pour l’Argentine élue meilleure sommelière des Amériques en 2015: «L’expérience doit être aussi excellente pour une personne qui veut consommer de l’alcool que pour celle qui ne le souhaite pas.»


La recherche de ce nouvel équilibre fait brainstormer cuisiniers, pâtissiers et sommeliers dans une même quête de complexité gastronomique, à l’instar de Nicolas Darnauguilhem, chef de la Pinte des Mossettes à Cerniat (FR): «L’élaboration de la boisson se fait en même temps que celle du plat. Parfois, elle va dans son sens, d’autres fois elle va lui apporter un vrai plus… En ce moment, avec un plat à base de caviar et de crevettes, nous proposons un distillat de shiso qui se présente comme une boisson très cristalline, très pure, comme une vodka.»


De nouveaux plaisirs à consommer sans modération? Le dry january peut commencer tout de suite!