Jadis, il fallait dompter le cheveu. Aujourd'hui, on l'aime au naturel. Sous l'influence de la vague afro, toutes les boucles sont devenues désirables.

Une semaine après son mariage, Rosa Maria a décidé de se raser la tête. «J’ai regardé mon fils de six mois, et j’ai réfléchi aux valeurs que je voulais lui transmettre. Il devait grandir avec une maman fière de ses racines», explique la créatrice de mode originaire de République dominicaine pour justifier cette action radicale sur ses cheveux, qu’elle avait toujours portés raides. «Dans mon pays, c’est normal d’étirer ses boucles avec tous les moyens à disposition.»


Ce n’est qu’après avoir déménagé en Suisse qu’elle s’est interrogée sur le sens du lissage des cheveux, souvent à l’origine de problèmes de santé, causés par la toxicité de certains produits. «Avec le recul, j’ai compris ce qui se cachait derrière: se rapprocher de l’esthétique blanche dominante.» Cette tendance trouve son origine lors de l’abolition de l’esclavage aux Etats-Unis, où, selon Rosa Maria, de nombreux anciens esclaves prenant les noms de leurs propriétaires se sont lissé les cheveux pour ressembler le plus possible aux Blancs. «Aujourd’hui encore, dans notre culture, une femme avec des boucles naturelles est considérée comme négligée.»


La thèse de l’auteure à succès nigériane Chimamanda Ngozi Adichie, qui est certaine que Barack Obama n’aurait eu aucune chance lors de l’élection présidentielle si sa femme ne s’était pas lissé les cheveux, montre à quel point une coiffure peut être révélatrice. Ce n’est qu’après le mandat de son mari que Michelle Obama s’est montrée avec ses boucles naturelles.


Rosa Maria a applaudi cette décision, car avec ses frisottis libérés, elle aussi a enfin l’impression d’être elle-même. Mais cette transformation a entraîné d’autres défis que la jeune mère n’avait pas anticipés. «J’avais soudain besoin de produits de soin adaptés, et les trouver en Suisse a été plus difficile que prévu», explique-t-elle. C’est ainsi que Rosa Maria a lancé sa propre boutique en ligne de produits pour cheveux bouclés sous le nom de lockenkopf.ch, comblant ainsi une importante lacune du marché. «Il n’y a pas si longtemps encore, l’offre pour les personnes aux cheveux très frisés était très restreinte ici», confirment Hanna et Tina les fondatrices du salon de coiffure Curl-ish à Zurich. «Dans le commerce normal, on ne trouvait rien pour soigner les cheveux crépus, qui sont secs et très sensibles en raison de leur texture poreuse.» Pour que les boucles conservent leur ressort, les cheveux doivent en effet être bien hydratés, confirme Johan Hellström, copropriétaire et CEO de Björn Axén: «Il est important notamment d’appliquer régulièrement des masques capillaires riches.» Pour le coiffage des boucles, il recommande un produit adapté comme Curl Creator Cream de Björn Axén avec des substances actives soignantes, à appliquer sur les cheveux humides par de légers mouvements.

«Si un produit de coiffage est utilisé, il doit être appliqué directement après le lavage, car les cheveux sont alors encore réceptifs. Ensuite, les boucles peuvent être séchées et mises en forme à l’aide d’un sèche-cheveux diffuseur», explique encore Salvatore Solano, expert capillaire pour les textures chez Dyson. Son conseil: «L’accessoire peigne à larges dents et le diffuseur pour le Dyson Supersonic sont indiqués pour coiffer les chevelures afro, car ils les protègent des dommages causés par la chaleur tout en préservant les boucles.»


On estime que les têtes crépues dépensent jusqu’à neuf fois plus d’argent dans le soin de leurs boucles, ce qui explique l’intérêt des grandes marques de beauté comme Aveda, qui proposent de plus en plus de produits spécifiques. Renée Gadar, directrice artistique spécialiste des textures chez Aveda, explique les raisons de cette évolution: «Pendant des années, l’industrie de la beauté a propagé une vision unilatérale et eurocentrée de la beauté. Les médias sociaux ont entraîné un changement de mentalité au sein de l’industrie, ce qui a conduit à la prise en compte des consommatrices POC (Person of color), notamment lors du développement de nouveaux produits.»

Le cheveu frisé sans complexe

Cette évolution dans les standards de beauté valorise la boucle naturelle. Là où auparavant, la publicité nous encourageait à «contrôler ses cheveux» ou à «dompter les frisottis», elle vante aujourd’hui les mérites des produits destinés à optimiser les boucles, en s’adressant à tous les types de chevelures qui vivent leur vie.


Pour des expertes comme Rosa Maria, il ne fait aucun doute que le mouvement Natural Hair a encore du chemin à faire. Mais grâce à un idéal de beauté de plus en plus inclusif et hétérogène, qui s’étend en raison de la pression sociale, il est déjà beaucoup plus facile pour les personnes de couleurs de porter et de célébrer leur chevelure naturelle dans toutes les variantes possibles, estime-t-elle. «Après tout, ce mouvement n’est pas seulement synonyme d’amour et d’acceptation de soi, mais aussi d’autodétermination.»